On l’a fait ! Le 7ème épisode des Mystères de Kioshe est disponible. Je savoure ce moment car c’est le premier épisode écrit par Sylvie et qui concrétise le travail de scénarisation à deux ainsi que l’écriture en relais de cette saison 2. Dans cet épisode, Sylvie s’attaque au sujet ardu de la cité jumelle de Kioshe : Analkrabeth, c.-à-d. rien de moins que la plus sainte des cités troglodytes des Nains des Montagnes de l’Aube. Vous vous souviendrez que les Nains sont déjà apparus dans Alliances (l’épisode 2) lors du siège de Kioshe par les tribus de caravaniers qui approvisionnent la ville. Bien sûr, Sylvie ne manque pas également de lever un coin du voile sur le destin de Tirséa, Ziûrn et Ivriane. Attendez-vous à des surprises !
Comme toujours, je vous livre le prologue de l’épisode ci-dessous 👇
Les murmures de l’En-dessous, l’épisode 7 des Mystères de Kioshe sur Amazon
J’en profite pour signaler qu’à partir de cet épisode, les Mystères de Kioshe ne seront disponibles que sur Amazon. J’explique ce choix dans cet article.
Il n’existait pas d’obscurité plus complète. Le regard, saisi par une attraction étrange, plongeait dans un vide sans fond ni paroi. Aucun nain ne pouvait le contempler sans une crainte révérencieuse, un vague frisson issu des mythes antiques. Le gouffre donnait sur l’En-dessous primordial et évoquait pour le légat la longue errance de ses ancêtres luttant à tâtons pour leur vie. Cette geste héroïque avait trouvé sa conclusion dans l’Émergence, lorsque Vabnâ, leur Première souveraine, avait guidé les siens hors du néant et détruit le chemin qu’ils avaient emprunté, mettant les nains pour toujours à l’abri de ce qui rôdait en bas.
— Votre Sainteté ?
Mazâr tressaillit. Ses doigts lâchèrent l’appui de la baie qui donnait sur l’abîme. Liarnâ lui présentait sa dalmatique d’apparat. Il se laissa aider à l’endosser, car le tissage de fils d’or et d’argent qui l’ornait rendait le vêtement pesant.
— Vous rêviez, Votre Sainteté ? Que voyez-vous dans l’ombre ?
Mazâr sentit le manteau se répartir sur ses épaules et sa frêle silhouette se recroquevilla un peu plus. Il eut un regard furtif vers le balcon derrière lequel régnait la nuit la plus profonde.
— Je songeais à Vabnâ… À son voyage dans l’obscurité.
— Bénie soit-elle, marmotta la servante. Je prie pour que son exemple inspire à nouveau notre peuple.
Elle apporta un à un au pontife les attributs de sa charge. Le gantelet d’argent, reproduction du don de Daranîr à la Première reine contre les pièges de l’En-dessous ; le bâton de marche, symbole du chemin vers la lumière ; et le torlum, enfermé dans une résille métallique finement ouvragée, réputé avoir été transmis depuis Vabnâ elle-même et contenir un éclat du talisman originel. Liarnâ prit garde de ne toucher directement aucun de ces objets, en particulier le torlum qu’elle manipulait toujours avec la plus grande révérence. Elle utilisa une étole pour ne pas le souiller de son contact. Mazâr eut un sourire. Comme lui, Liarnâ appartenait à la communauté des Profonds, ces nains vivant reclus loin de la surface, derrière les murs de la Cité interdite dont ils gardaient fidèlement les sanctuaires. Tous partageaient une foi à toute épreuve, un sens de l’engagement imprimé dans leur corps décoloré par des générations de vie souterraine, depuis leur peau blafarde jusqu’à leurs prunelles presque blanches. Mais la servante du légat n’avait pas son égal en matière de zèle religieux. Hors de la Cité, les jeunes générations, surtout, se laissaient trop aisément fasciner par l’éclat du jour.
— Hélas, Liarnâ, si seulement nos frères partageaient ta piété…
— Je sers Votre Sainteté comme les dieux me le commandent. Bien des humiliations seraient évitées si nous leur restions tous fidèles.
Le légat se redressa, comme piqué par un aiguillon. Un instant il sembla oublier le poids du vêtement liturgique.
— Ne me parle pas d’indignité.
— Se taire n’effacera rien, Votre Sainteté.
— Je sais, ma sœur, mais sois rassurée. En ce jour de concile, je tournerai le camouflet qui nous a été infligé à l’avantage de notre peuple.
Il s’exalta :
— Analkrabeth ne supportera pas plus longtemps l’arrogance de Kioshe ! Les nains reviendront dans le chemin de notre père Daranîr !
Les éclats de sa voix résonnèrent sur les murs de la salle, se fondant en un bruissement indistinct qui s’éteignit doucement. Liarnâ le contempla avec un air d’adoration.
— Le Royaume a besoin d’un guide pour se garder des trahisons. Et quel meilleur guide que l’héritier de Vabnâ ?
Elle serra les poings avec conviction.
— Ah, voir l’ancienne gloire restaurée !
Un instant, Mazâr se troubla : il lui avait semblé percevoir un mouvement derrière les baies géminées qui donnaient sur le gouffre. C’était impossible. Liarnâ lui présenta avec fierté son calice, empli de l’eau de la source sainte. Le légat se recueillit, invoqua Daranîr et Vabnâ, et but. La fraîcheur du liquide l’apaisa et il se sentit purifié, prêt.
— Ne tardons plus, Votre Sainteté. L’heure du concile approche.
Liarnâ ouvrit les portes et Mazâr avança sur l’esplanade, s’appuyant au bras qu’elle lui offrait. À ses pieds s’étendait le vaste plan d’eau de la Cité interdite. Sa surface en miroir reflétait le doux éclat de la lumarite qui soulignait et éclairait les angles des bâtiments. Des chaussées empierrées quadrillaient la caverne, convergeant vers l’imposant sanctuaire dressé comme une montagne au bord du gouffre de l’En-dessous. Mazâr admira les clochetons, les galeries, la tour sommitale d’où coulait la source sainte. Celle-ci jaillissait de l’empreinte que Vabnâ avait laissée dans la pierre en faisant s’effondrer le chemin vers les profondeurs. Une pensée lancinante le taquina, qu’il chassa comme un insecte importun : ce faisant, Vabnâ avait mis son peuple en sécurité… Mais elle lui avait aussi barré le chemin du retour. Qui savait, à présent, ce que les nains avaient laissé derrière eux ?
La suite dans les Murmures de l’En-dessous, le 7ème épisode des Mystères de Kioshe.
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