Les brumes du passé , l’épisode final de la saison 1 des Mystères de Kioshe

L

C’est un épisode particulier qui parait aujourd’hui (20/05/2019) : Les brumes du passé clôture la première saison des Mystères de Kioshe.

Depuis Le Cœur de Talris, vous avez suivi Tirséa Mortevue dans 4 aventures. Tirséa et ses compagnons, le gobelin Ziûrn, voleur roublard des bas-fonds, et Ivriane, jeune apprentie de la Maison des curiosités, ont affronté quelques-uns des mystères que réserve la cité de Kioshe. Mais surtout, vous avez vu Tirséa à la poursuite de son passé. La soif de connaissance et de revanche de la magicienne aveugle semble inextinguible, au mépris du danger.

Tirséa et Ziûrn sont aux prises avec le puissant Apat Bîlza’r et doivent se cacher. De son côté, Ivriane a appris que le conseil qui a condamné Tirséa à l’amnésie et l’a chassée de Kioshe, est sur le point de se réunir à la demande d’un mage appelé Hénucipher qui souhaite enquêter à nouveau sur les activités de Tirséa.

Il est temps de lever un coin du voile…

Les Brumes du passé, 5ème épisode des Mystères de Kioshe sur Amazon

Découvrez un extrait de l’épisode ci-dessous 👇

Le jour se répandait comme une eau rouge sur les arcs de la Porte majeure. Au loin, Asthor, le dieu soleil, ressurgissait triomphant de son voyage nocturne. Pourtant la nuit n’aurait pas de fin jusqu’au matin du surlendemain. C’était l’époque des brumes pendant laquelle Kioshe célébrait la victoire sur la peste d’Ereleth qui avait failli l’emporter quatre cents ans auparavant. Toute la ville prierait avec dévotion à la mémoire des innombrables victimes de ce fléau et d’Umbrod le bon qui les avait sauvés.
Pendant la nuit, les volutes grises d’une brume glacée avaient envahi les rues. Elles venaient lécher l’enceinte extérieure si bien que les phares semblaient émerger d’un océan au ralenti. Leurs feux brûleraient comme des flammes d’espoir sans discontinuer pendant toute la commémoration.
À leurs pieds, les gardes de la porte restaient vigilants, mais traditionnellement le commerce était réduit au strict minimum pendant les brumes. Aussi y eut-il du remous quand un visiteur solitaire se présenta sous l’arc des arrivées.
L’homme était grand et maigre, flottant dans une ample robe noire aux passementeries d’argent, un havresac sur le dos et les mains fourrées dans ses manches. Il allait à grands pas, visiblement pressé. Il ne se préoccupa pas des gardes qui le regardèrent passer, détaillant son visage blafard encadré d’une couronne de longs cheveux gris. Personne ne l’arrêta. Ils avaient tous remarqué la chaîne qu’il portait autour du cou au bout de laquelle pendait la rune « u ». Les porteurs du signe d’Umbrod allaient et venaient comme bon leur semblait à Kioshe.
Quand le mage s’éloigna et commença à remonter le Cours des caravanes, la brume referma langoureusement ses bras froids sur lui, gommant sa silhouette, la réduisant à une tache sombre, comme s’il se fondait en elle.
Un des gardes brisa le silence surnaturel de cette arrivée en jurant quand un singe blanc se jucha sur sa tête et se mit à piailler. Noyés dans la brume, ses congénères lui répondirent dans un écho strident. Plusieurs petites formes s’élancèrent à la suite du magicien. Le guetteur fut le dernier à se mettre en route en sautant de son perchoir humain de manière irrévérencieuse.
Depuis quelques jours, les achubs s’étaient imposés aux gardes de la Porte majeure, semant la pagaille lors des contrôles. Mais les singes savaient jouer de leur statut sacré et personne n’aurait songé à les chasser, aussi irritants soient-ils. De même, nul n’aurait osé avouer à haute voix être soulagé de leur départ, de peur du mauvais caractère notoire du dieu qu’ils représentaient.

Arrivé en haut du Cours, Hénucipher s’arrêta au pied du perron de la Maison des alliances dont on ne distinguait que les premières marches. Jusqu’à présent, le magicien n’avait croisé que des silhouettes floues qui semblaient toutes avoir un œil unique et lumineux au niveau de la poitrine. Les Kioshens ne sortaient pas sans porter autour du cou une petite lanterne porte-bonheur, ajoutant un peu plus à la fantasmagorie de la ville. Mais ce n’étaient pas les lueurs fantomatiques qui préoccupaient Hénucipher. Dès l’instant où il avait pénétré dans Kioshe, il avait été suivi par une cavalcade ouatée de petites pattes. Il se concentra, plongeant son regard dans les courants qui agitaient le brouillard environnant et se heurta aussitôt à une présence ancienne et maligne, si puissante que cela dépassait l’entendement. Une ombre grotesque émergea de la bouillie grisâtre. Elle le dominait de son corps déformé de bosses et poussa un cri rauque en agitant les bras. Une fumée âcre s’échappait de son nez et de sa bouche. Ses quatre pieds martelaient en rythme le sol, faisant résonner de petites calebasses attachées à ses chevilles. Passé la surprise de l’apparition, Hénucipher hurla :
— Hors de mon chemin !
Le démon mit fin à sa danse, hésitant.
— Ouste, du balai, allez faire vos simagrées ailleurs !
C’était un blasphème et Hénucipher le savait parfaitement. Pendant toute la durée des brumes, les danseurs de la peste, grimés en démons, terrorisaient les Kioshens, rejouant le drame de l’époque d’Umbrod. C’était un office sacré. Les deux porteurs de la représentation du Tueur bossu demeurèrent un moment interdits devant l’affront, mais finirent par se replier prudemment devant la colère et le mépris d’Hénucipher. Ils s’en retournèrent sans un mot au sein de la brume.
La présence du dieu était toujours là. Patiente et attentive. Une tout autre sorte de démon ; de celle qu’on n’intimide pas d’un simple cri.
Hénucipher fit un geste vif de la main et la brume se fendit, révélant le singe blanc qui s’y cachait. Découvert, l’animal se mit à crier toutes dents dehors, paralysé par la volonté du magicien.
— Je te tiens ! s’exclama Hénucipher avec un rictus de satisfaction. Que me veux-tu ? Je n’ai aucune affaire avec toi !
C’est alors qu’il remarqua la marque brune sur la face grimaçante de son prisonnier. Un pacte ! Voilà pourquoi le grand Achub était sur ses traces. La situation était donc véritablement plus grave qu’il ne le pensait. Pas étonnant que son éclaireur ne soit jamais revenu.
— Je n’ai pas le temps pour ces jeux, grommela-t-il en refermant son poing.
Le singe hoqueta, son cou craqua et il tomba au sol. La brume s’agita furieusement. Les achubs se lamentaient de la mort de leur chef en sautant et en hurlant. Une haine froide et malveillante pulsait tout autour d’Hénucipher. Mais même les dieux obéissent à des lois et le magicien attendit. Sans pacte, plus rien ne retenait le Messager rusé parmi les mortels. Comme il s’y attendait, la fureur s’estompa petit à petit jusqu’à s’évanouir totalement et la conscience quitta les enfants d’Achub, les laissant hébétés et orphelins. Hénucipher savait que, passé le délai du Talrim, le premier d’Achub aurait ressuscité, mais cela lui donnerait le temps nécessaire pour ce qu’il avait à faire, sans yeux indiscrets pour l’épier. Alors seulement le magicien tourna les talons pour emprunter une ruelle tortueuse sur la gauche de la Maison des alliances, pendant qu’un linceul de brume recouvrait le corps de sa victime.

La suite dans Les brumes du passé, le 5ème épisode de la série fantasy
Les Mystères de Kioshe.

Les Brumes du passé, 5ème épisode des Mystères de Kioshe sur Amazon

A propos de l'auteur

Benjamin Lupu

Historien de formation, passionné de sciences humaines, d'archéologie et des littératures de l'imaginaire, Benjamin Lupu est l'auteur des Mystères de Kioshe, a participé au recueil des Contes et récits du Paris des merveilles dirigé par Pierre Pevel et a publié Le Grand Jeu, un roman d'espionnage steampunk se déroulant à Constantinople.

Commenter

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.