Mois de l’imaginaire : 10 recommandations de livres

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À l’occasion du Mois de l’imaginaire – une opération de promotion des littératures de l’imaginaire qui a lieu tous les mois d’octobre – je me suis livré sur Facebook au petit jeu des recommandations de livres. Je reproduis ici ces recommandations. N’hésitez pas à faire les vôtre en commentaire !

1. La ligne verte (Stephen King)

Je vais commencer par un livre fantastique (dans tous les sens du terme) de Stephen King : La ligne verte, que j’ai eu la chance de lire en feuilleton (c’est ainsi que l’auteur l’a écrit et publié). On présente toujours Stephen King comme un maître de l’horreur. C’est le cas, mais c’est aussi un incroyable légiste de l’âme humaine et un auteur aux idées progressistes. La ligne verte – qui parle de la peine de mort – est un de ses livres les plus émouvants. Suivez le destin tragique et merveilleux de John Caffey, géant noir, condamné à mort après un crime horrible et qui se révélera finalement plus humain que nous tous (un personnage qu’on dirait tout droit sorti d’un Steinbeck).

2. Le peuple d’argile (David Brin)

Le peuple d’argile décrit une société où il est possible de créer des clones d’argile de soi-même (mémoire et souvenirs compris). Ceux-ci vivent leurs vies pendant la journée et leurs propriétaires récupèrent leurs souvenirs le soir, vivant de fait plusieurs vies. Petit twist supplémentaire, les clones d’argile ont une durée de vie limitée. Le décor est planté. À partir de là, David Brin imagine toutes les utilisations possibles des clones au travers de l’aventure de l’un d’eux. L’histoire elle-même est une enquête. C’est rythmé, drôle et, comme souvent avec la science-fiction, renvoie une image de notre société actuelle. Bien mieux à mon sens quelque chose comme Carbone altéré, roman avec un parti pris intéressant (le transfert d’intelligence et la marchandisation des corps) dont l’intrigue de base est géniale mais gâchée à force de testostérone made in US.

3. Rhialto le Merveilleux (Jack Vance)

Jack Vance est un poète. Ces romans sont légers, un peu barrés, franchement foutraques. Il y a bien sûr le cycle de Tschaï et puis il y a eu Rhialto le Merveilleux. Jack Vance et Clifford D. Simak ont enflammé mon imagination ou plutôt l’ont déverrouillée. Plutôt que le sérieux minutieux de Tolkien, Jack Vance plonge dans son imaginaire sans aucun a priori. Il crée des héros étranges, des histoires un peu surréalistes. Rhialto est un roman post apocalyptique joyeux. La terre va mourir et une communauté de magiciens attend la fin sans trop s’en préoccuper. Ils sont mysogynes, mégalos, parano, vaniteux et vont devoir affronter une conspiration. Sous des dehors de conte un peu dingue, l’univers est merveilleux, sensible, un peu amer aussi. Pour l’anecdote, la magie décrite dans ce livre est largement à la base de celle qui est utilisée dans le jeu Dungeons & Dragons.

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4. Janua Vera (Jean-Philippe Jaworski)

Janua Vera est une anthologie de découverte. Chaque nouvelle nous fait découvrir une facette d’un univers de fantasy, son histoire, ses mythes. Jean-Philippe Jaworski se paie le luxe de changer de style (conte, récit sombre, horreur, humour…) à chacune de ses nouvelles. La langue est riche mais reste accessible. C’est une suite de petites incursions qui finissent pour composer un magnifique pays imaginaire. On pourra prolonger le plaisir avec une seconde série de nouvelles : Le sentiment du fer (avec une nouvelle incroyable sur les Nains notamment).

5. Nausicaä (Hayao Miyazaki)

Miyazaki est bien sûr un géant de l’animation (déjà avec ses premières œuvres comme Sherlock Holmes.

On ne compte plus les classiques de cet artiste. Pour ma part, c’est son premier film et plus encore le manga qui lui correspond qui m’a le plus marqué : Nausicaä de la vallée du vent. Il y a d’abord l’héroïne. Et puis la vision du futur (post apocalytique), le rôle des empires industriels, la pollution et l’écologie. Comme tous les récits de Miyazaki, le récit est empreint d’un profond humanisme qui m’a beaucoup touché.

6. Dune (Franck Hebert)

En ce qui me concerne, il y a deux livres fondateurs : Le Seigneur des anneaux et Dune. Ce sont des livres univers. Leurs toiles de fond sont grandioses. Dune est le premier roman qui m’a fait comprendre que l’étiquetage fantasy, science-fiction… n’était pas forcément pertinent et que l’imaginaire pouvait élargir sa base bien au-delà du médiéval européen. C’est une fresque dantesque qui décrit la lutte de pouvoir de plusieurs maisons nobles dans un univers de science-fiction qu’on devine être dans plusieurs milliers d’années. L’histoire nous interroge sur la violence, la famille, la religion, le mysticisme et donne une échelle de temps vertigineuse. Les traditions, les coutumes, les fragments de l’histoire du futur qu’on y découvre sont proprement fascinants.

7. American Gods (Neil Gaiman)

Passons à la mythologie rock ‘n’ roll de Neil Gaiman. Dans American Gods, on suit le baroud d’honneur des anciens dieux des hommes (nordiques, égyptiens, hindous…) contre les nouveaux dieux (bagnole, pognon…). Alors on n’est pas dans un Marvel hein. Donc, pas de muscles en collants masqués. Ce livre est un road trip, un conte et un sacré livre fantastique. Pour moi, un des meilleurs bouquins sur notre époque. Neil Gaiman manipule parfaitement l’art contemporain, un peu underground, un peu désabusé, avec une ambiance fin du monde.

8. Le dernier de son espèce (Andreas Eschbach)

Qu’est-ce c’était dur de choisir parmi les livres d’Andreas Eschbach ! J’ai une tendresse particulière pour ce livre. C’est une sorte de thriller de SF nostalgique, presque intimiste. En manque de testostérone US ? Passez votre chemin. Andreas Eschbach nous livre un roman humain sur un thème improbable : le cyborg à la retraite. L’auteur part d’un héros d’une série TV des années 70 : Steve Austin dit « l’homme qui valait 3 milliards ». Ce héros a fait les beaux jours des cours de récré dans les années 80 (au temps de Goldorak et Reagan). A partir de ce pitch kitchissime, l’auteur nous raconte une histoire classique, celle du héros rouillé – au sens propre du terme cette fois – rattrapé par son destin. Tout est là, regrets, trahisons, amour et de très nombreuses trouvailles pour se faire peur (comme la manière dont le héros se nourrit). Ça commence d’ailleurs dès les premières pages avec une scène d’entrée qui expose la situation de manière magistrale selon moi. Bref, la relecture m’a comblé jusqu’à sa fin. C’est vraiment un livre à part.

9. Les robots (Isaac Asimov)

Les robots, exercice fascinant d’Isaac Asimov qui invente les lois qui régiraient le comportement de robots conscients pour qu’ils ne nuisent pas aux êtres humains. À la première lecture, les 3 lois d’Asimov ont l’air aussi simples qu’infaillibles. Mais l’auteur va rédiger plusieurs recueils de nouvelles dans lesquelles il s’amuse à trouver des failles à ses lois pour mieux révéler la complexité de la conscience et des choix humains. Il aborde également le rapport à l’autre, le complexe du créateur, le racisme et tant d’autres thèmes avec une intelligence bienveillante et érudite. De vrais contes philosophiques du XXème siècle en même temps que de formidables histoires.

10. Marée stellaire (David Brin)

David Brin aura eu deux fois les honneurs de cette sélection. S’en tenir à 10 livres était une gageure 😓 Mais il est sûr que Marée stellaire ferait partie de tous mes classements. J’ai tout simplement été émerveillé par les idées de David Brin.
Dans l’univers de Marée stellaire, l’évolution a pris un drôle de tour. En effet, il est admis que toutes les espèces intelligentes de l’univers connu ont été « élevées », c.-à-d. qu’une race intelligente les a modifiées petit à petit (comprendre sur des milliers d’années) pour qu’elles accèdent à l’intelligence. Cela donne une société de races patronnes et clientes, où la puissance se mesure au nombre de races assujetties. Le mythe fondateur de cet univers est une race antédiluvienne disparue – les progéniteurs – qui aurait été la première race à en élever une autre.
Les humains déboulent dans cet univers comme un cheveu sur la soupe – cosmique – puisqu’ils semblent ne pas avoir de race patronne. Pour ne pas être « adoptés », les humains comprennent vite qu’ils doivent eux-mêmes devenir patrons et élèvent les dauphins et les chimpanzés à l’intelligence ou du moins un forme d’intelligence humaine.
Marée stellaire raconte les aventures du vaisseau Streaker dont pour la première fois, l’équipage est constitué en majorité de néo-dauphins et qui tombe sur ce qui pourrait être la flotte abandonnée des progéniteurs, une découverte aussi fantastique que dangereuse.
Tout dans ce livre m’a plu : le sens du merveilleux, l’intelligence du récit, la poésie pour décrire l’intelligence des dauphins, l’action, les révélations, le foisonnement d’extra-terrestres, le concept d’élévation… C’est un chef d’œuvre du space opera qui comme il se doit nous interroge pas mal sur notre futur.

Voilà, il y en a bien sûr plein d’autres, mais il fallait bien choisir. Bonne lecture et à bientôt.

A propos de l'auteur

Benjamin Lupu

Historien de formation, passionné de sciences humaines, d'archéologie et des littératures de l'imaginaire, Benjamin Lupu est l'auteur des Mystères de Kioshe, a participé au recueil des Contes et récits du Paris des merveilles dirigé par Pierre Pevel et a publié Le Grand Jeu, un roman d'espionnage steampunk se déroulant à Constantinople.

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